29 juillet, 2010

Les incroyables galères de la Famille: Le fiancé

DRIIING...DRIIING!!!


-Tilifouuuune !

De devant sa télé, Papa crie, alors qu'il aurait pu tendre la main pour déccrocher.
Le bruit des pas de quelqu'un qui cours un peu maladroitement, se cogne légèrement contre un petit vase le rattrape, puis se jette sur le combiné tel un lion sur sa proie.

-Allooo! fit Junior.

-Allo?? Mais c'est mon petit chéri qui manque tant à sa grand-mèèèère! Comment vas-tu mon chou? Tu fais bien tes devoirs chaque soir? Tu manges bien? Comment ça tu manges à la cantine? ta fainéante de mère n'est même pas capable de te préparer à manger?  Passe la moi mon chéri j'ai à lui parler.
Junior dépose le combiné puis de toutes la force de ses poumons, il crie:

-Mmaaaaaaaaan !

Papa, déconcentré de son match lui jette un regard noir avant de protester: "Qu'est ce qui te prend de crier comme ça ? Et puis c'est qui déjà au téléphone ?

-C'est Mamie.

Maman s'empare du téléphone: "Allô? Oui Lhajja... Labass (ça va bien). et toi? Et Lhaj? Il va bien? Que dis-tu? ah, il suit un régime...oui, je vois, Non bien sûr... Ah, elle t'as appelée, tant mieux alors, oui, oui je comprend que vous étiez inquiète, Qui ça? Aziza? Cela fait longtemps que je n'ai pas eu de ses nouvelles. Non ... vraiment... oui.. je tâcherai de le lui dire. Et Souad alors? Ah elle a eu le...? Aha... oui..oui..bien sûr. Nooon...! Soukaina? La fille de la voisine à Houda yak ? Je n'y crois pas! Comment ça son mari lui a offert une nouvelle voiture?
Le mien est un bon à rien, désolée Lhajja mais ton fils ne fait que dormir, manger et fulminer à longueur de journée (coup d'oeil très significatif en direction du dit fils) Non, voyons ne t'inquiète pas.. non, non je n'en parlerai pas.. pas un seul mot... mais oui !
La discussion s'étala ainsi, après Aziza et Soukaina ce fut le tour de Kenza qui a accouchée d'un garçon, mais le meskine, il a le nez de travers (selon Lhajja toujours), ensuite celui de Allal l'épicier qui a eu le malheur de vendre à Lhajja des conserves presque périmées, puis Faiza, Zineb et enfin Omar mais Maman ne capta de leurs tracas que quelques bribes incohérentes. Il fallut une demi-heure à Lhajja pour entrer dans le vif du sujet, c'est à dire la raison précise de son appel:

-J'allais presque oublier (mon œil oui !) : demain vous déjeunerez chez nous d'accord ? Il y aura le futur mari de fille-chérie (la cadette de Lhajja et la belle soeur de Maman par la même occasion), c'est pour faire connaissance avec la famille tu vois? Espérons que celui-là sera le bon.
Bon soyez là demain à midi pile et ammenez les enfants, et aussi le service à thé en porcelaine, celui que je vous ai donnée comme cadeau de mariage tu te rappelles?

Puis ce fut de nouveau une série de formules de politesses interminables avant que Maman ne puisse enfin raccrocher.
-c'est pas trop tôt? le match est fini et j'ai raté tous les buts. de quoi il s'agissait ?
-Fille-chérie amène son copain à la maison, j'imagine que les fiançailles seront pour bientôt, il veulent rencontrer le futur époux.
-C'est qui celui-là encore?
-Tu le connais bien, celui qui ressemble vaguement à un Mohammed Eljem sans moustache avec le nez de Sarko.

Ils gloussèrent tous les deux.
-Ah, oui, je vois. dit Papa dans une tentative inutile d'échapper à l'image du futur prétendant. Mais alors dans ce cas c'est sérieux?
Maman se contenta de hausser les épaules, l'air de dire "tu connais ta soeur..." avant de quitter la pièce.
Papa un peu sceptique, préféra se concentrer de nouveau sur son téléviseur.

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-Maaaamiiie !

Junior se jeta dans les bras de sa grand-mère, elle l'enlaça puis lui jeta un regard de reproche: qu'est ce qu'on avait dit petit-bout d'chou?? je suis ta Lalla, et plus jamais de ces expressions de colons que l'on t'apprend à l'école!

- Oui mamie, heu... Lalla !

L'intérieur de la maison ressemblait à un cirque, même le clown était là: Tonton avait mis sur sa tête le slip du petit-cousin et faisait des grimaces incroyables, la meilleure était celle où il faisait frémir sa moustache courte en plissant le nez et et en louchant des yeux, les gamins qui assistaient au spectacle se tordaient de rire.
Le salon était plus ou moins silencieux avec Lhajj allongé le long du seddari (un canapé si vous préférez version marocaine) de temps en temps il lançait un petit grognement accompagné d'un regard peu amène en direction de ses petits-fils; mais vous imaginez bien si les enfants allaient faire moins de bruit pour autant!

Bientôt toute la famille fut rassemblé autour de la table même fille-chérie était là, rayonnante dans sa jolie robe d'été fleurie (Oui mais pas tant que ça pensa Maman) son jeune ami très anxieux, ne cessait de s'éponger le front et de tirer sur sa cravate (d'accord il faisait chaud), il ne mangeait pas assez non plus, malgré les invitations insistantes de Lhajja "Kouul a weldi kouuul, daba yebred lik!" (mange mon fils, mange, ça va refroidir)
Le pauvre ! il devait se sentir incroyablement gêné assis au centre d'une famille aussi excentrique et bruyante qui le soumettait aux rayons X. Il regardait le poulet farci au citron confit posé juste devant lui, une nausée s'emparait de lui.
A partir de ce moment là, il aurait été absolument impossible de suivre les évènement qui succédèrent,  tout ce qui a pu être noté c'est que le jeune homme se releva rapidement s'empressa de quitter la table sous l'œil désapprobateur des autres assistants.
Dans sa hâte de gagner les toilettes il trébucha sur un vase chinois posé à même le sol dans le hall.

Un bruit de porcelaine brisée arracha une horrible plainte à Lhajja, ( Allah Allah, mon vase ! ) qui la main sur le cœur s'empressa d'évaluer les dégâts, le malheureux se lança dans une séries d'excuses pour la plupart incompréhensibles.

Bientôt toute la famille fut là, Lhajj et Tonton essayant de réconforter Lhajja au sujet du défunt vase chinois, fille-chérie choquée se contentait de les regarder chacun à leur tour: Lhajja, le vase et son Chuck Norris.

Celui ci ne tarda à ressentir sa nausée le reprendre, d'un mouvement maladroit il essaya de regagner la salle de bain, trébucha sur ses propres jambes puis se releva tant bien que mal la main toujours sur la bouche, il regarda à droite et à gauche, se rendit compte qu'il ne savait pas où étaient les toilettes, et tous ces visages qui le regardaient étrangement le firent sentir encore plus mal, fille-chérie finit par intervenir, le pris par le bras et le traîna vers les W.C.

Le spectacle aurait pu parraître drôle, mais personne n'osait vraiment rire sauf peut-être Tonton qui laissait échapper de temps en temps de petits hoquets.

Une demie-heure plus tard, le maladif s'empressait de quitter la maison, au pas de course, les appels de fille-chérie n'y faisant rien.

-Laisse, laisse ma chérie,lui conseilla Lhajja, après tout il n'est ni le premier ni le dernier à s'enfuir tu te rappelles de celui qui sorti avec une chaussure de moins ? Cendrillon ou safi !

-Moi je dis toujours que c'est la cuisine de Lhajja qui les fais fuir! (chuchota Tonton en douce à Papa)

-Ou ta moustache, va savoir, lui répondit Papa.

19 juillet, 2010